Vive le rose ! Ou pas... [ PV Kamui-sama ]

Le rose est une couleur diabolique.

Naomi en était désormais persuadé, cette teinte ne pouvait apporter que des choses louches. Et dire qu'il avait résisté pendant tant d'années aux assauts bisounours de sa jumelle qui avait une fâcheuse tendance à vouloir le travestir ou l'habiller en cette couleur...Mais maintenant qu'il était accroché à cette branche d'arbre comme un cochon pendu à tendre les bras vers un truc gélatineux, il n'avait plus aucun doute. Cette couleur pouvait paraître mignonne mais ce n'était qu'un fin stratagème pour tromper les gens ! Il en était sûr. Sinon comment expliquer que cette chose sans cerveau et qui semblait si mignonne lui tende un piège pareil ? Quoi que, elle était toujours mignonne en fait...non non, ce n'était pas le moment d'y penser, il ne devait pas faiblir ! Surtout pas. Son honneur en dépendait ! Quel honneur...? Roh décidément se lever tôt ne lui réussissait pas. Il avait pourtant l'habitude. Mais son corps semblait s'obstiner à ne pas la prendre, ou plutôt son cerveau, voir les deux.

« - Dis, tu pourrais pas sauter dans mes bras comme le gentil Truc que tu es...? »

Mouais, bon, pas très crédible de demander ça tout en baillant et en sachant que la chose ne possédait pas d'oreilles. Ce Bakemon ressemblait à...comment dire ? Un gros tas de gelée à moitié opaque et bien sûr de couleur rose bonbon. Ah et il fallait rajouter des yeux, grands et noirs et aussi une...bouche ? Enfin un truc qui s'ouvrait parfois quand la chose poussait de petits cris aigus assez désagréables. Mais elle restait tout de même très mignonne. Néanmoins étant ce qu'il était, le masque de Naomi l'avait baptisé affectueusement...Truc. Ouep, être froid ne donnait pas forcément d'inspiration hein. Un brusque coup de vent manqua de lui faire perdre prise mais le jeune homme se raccrocha de justesse avec ses bras à la branche. Ça soufflait vachement fort aujourd'hui dis donc ! Ou alors il était un vrai poids plume. Hum. En tout cas si les choses continuaient ainsi, il allait sûrement s'envoler. Son t-shirt se gonflait d'air à chaque brise et le faisait ressembler à l'un des ballons volants qu'il avait vu dans un magazine étant petit. En même temps s'il avait mis quelque chose de moins lâche ça ne serait pas arrivé mais que voulez vous, on ne change pas sa garde-robe du jour au lendemain et surtout pour un prétexte aussi futile qu'un peu de vent.

Le trois de pique portait aujourd'hui un jean noir, moulant au possible bien sûr, comme à son habitude. Suivit d'une paire de baskets d'un blanc douteux exceptionnellement accompagnées d'une chaussette orange et l'autre vert pomme...hum oui, il soupçonnait grandement Shunko de lui avoir emprunter quelques petites choses sans lui demander son avis. Et surtout en oubliant d'en prendre deux à chaque fois. Enfin, au moins, elle ne lui avait pas rajouté en douce de chaussettes roses, c'était toujours ça. Bref, il avait fallu faire avec. Une chance qu'il ne croise presque personne lors de ses virées et surtout que le peu de gens en question ne pensent pas à regarder ses pieds...Mais revenons à nos moutons. Pour finir son étrange tenue il y avait bien sûr le grand t-shirt blanc qui lui tombait un peu en dessous des reins. Qui plus est une manche sur deux décidait de se faire la malle fréquemment et dévoilait son épaule. On pouvait aussi noter la coupe peu masculine de la « chose » qui avait peut-être d'ailleurs appartenu à une femme avant. Mais Naomi s'en fichait, il aimait bien son design et même s'il était sûrement fait pour créer un décolleté à l'origine, lui ça montrait juste un bout de son torse. Ce qui n'était pas un détail vraiment important, il n'avait jamais été frileux...Que ça soit gênant ? Mais non pourquoi, quelle idée ? Hum. Le Bakemaniac grimaça, ses doigts lui faisaient un mal de chien ! Il n'était pas vraiment sportif et rester là, pendu à cette branche et la tête à l'envers commençait à être fatiguant. Pour tout dire à l'origine il était SUR la dite branche mais son pied avait glissé et il se retrouvait maintenant dans cette position...gênante. Heureusement que personne ne venait dans le coin à cette heure-ci.

Ils devaient tous dormir, bande de feignants ! Quoi que, qu'il n'y ait personne l'arrangeait justement. Le jeune homme faisait vite son boulot avant que ces collègues n'arrivent et tout était pour le mieux. S'il arrivait à attraper Truc bien sûr...Le dénommé Truc était d'ailleurs en train de roupiller calmement une branche plus loin, laissant échapper parfois de petites bulles de son nez. Woh. Pause. Il avait un nez...? Hum non ce n'était pas la question. Il fallait qu'il le récupère et vite ! Le temps passait. Tout en tentant de progresser sur sa branche il se demanda si les Bakemons étaient tous programmés pour aller se percher en haut des arbres ? Non mais ça arrivait bien trop souvent à son goût en fait. Certes c'était des créatures totalement adorables dont il raffolait mais...Là le risque de voir du monde surpassait son amour des choses mignonnes. Oui, à ce point là.

Discrètement, il grimpa de nouveau sur la branche. Enfin, discrètement...il gesticula deux minutes en battant ridiculement des bras et en serrant les dents mais passons sur les détails. Naomi se mit sur la pointe des pieds et approcha doucement de Truc. Allez encore quelques centimètres, plus qu'un ou d'eux et...Attraper ! BONGK. La bestiole comme animée d'un instinct de survie surdéveloppé ou juste car elle avait vu un truc plus intéressant, sauta prestement de la branche. Résultat ? Notre jeune « héros » rata sa proie d'une poignée de centimètres et emporté par son élan tomba de l'arbre avec un « Oh merde. » très approprié à la situation. Sa chute fut « amortie » par un doux buisson qui lui laissa plusieurs feuilles dans les cheveux et pas mal d'écorchures un peu partout. Enfin ça, ce n'était pas nouveau. Voilà ce que ça donnait de s'occuper des Bakemons sans tenue appropriée mais que voulez-vous, il n'aimait pas se changer.

Naomi gigota dans tous les sens et finit par s'extirper de là sauf que...le sol était bizarre. Le jeune homme se frotta les yeux en grimaçant et se figea brusquement. Oh oh. Ses lentilles venaient de se faire la malle...Du moins une lentille vu que son œil droit voyait correctement le cailloux là. Çà, c'était pas cool du tout. Il se pencha pour tenter de la retrouver mais un « Amuuuuuuu ! » strident l'en empêcha. Truc. A une vingtaine de centimètres de lui à peine en train de sautiller joyeusement sur place...l'occasion était trop belle. Ni une ni deux, le trois de pique se jeta en avant et...rata une nouvelle fois sa cible. Maudites soient les bestioles montées sur ressorts ! Le Bakemaniac plissa les yeux, un truc le piquait. Il finit par les rouvrir quelques secondes plus tard et son moi intérieur faillit tomber dans les pommes. Il voyait totalement flou. Donc...la deuxième lentille était aussi partie. C'était vraiment pas le moment ! Paniqué, il se redressa d'un bond et se mit à chercher tant bien que mal les deux lentilles. Mais vu qu'il ne voyait pas plus loin que le bout de son nez. Et encore, il le voyait flou, c'était pas gagné.

POF. Ah. Il venait d'heurter quelque chose. Tiens, cet arbre était vachement mou...et il avait des feuilles violettes. Intéressant comme couleur...Quoi que non à la réflexion ça pouvait pas être un arbre. Ça venait de respirer. On dit que les végétaux sont vivants mais y a des limites tout de même. Oh mon dieu ! Serait-ce un...Bakemon géant ?! Naomi posa la main sur le « torse » du Bakemon en question et eut alors une pensée très pertinente : « Mais depuis quand les Bakemons portent-ils des...vêtements ? ». Oh oh...

Fichu réveil sur pattes.
A ce niveau-là, ce n’est plus du professionnalisme, ni même du perfectionnisme. C’est carrément du sadisme pur et dur ! Non mais c’était possible ça ? Enfin… Pour de vrai ? Noooon. Autant d’acharnement de la part d’une seule personne, ce n’est pas humain. Et lui, ça le faisait doucement rire noir. Il avait l’impression d’avoir une sangsue ayant gobée un set complet d’horlogerie sans cesse accrochée à son dos. Enfin… Si l’on admettait qu’il existait des sangsues gobeuses d’horloges, bien entendu. Et la sangsue, elle pesait lourd. Surtout aujourd’hui. Pour parachever le tout, la sale bête qui lui pompait tout son temps libre et même ses heures de sommeil, en l’occurrence, c’était Sekai.

D’ailleurs, pendant un bref instant, à peine quelque infimes secondes, il s’imagina soudain une de ces bestioles, portant un réveil à aiguilles sur le dos, surmontée de la tête de son secrétaire. Huuuu… La vision ne le prit qu’un bref instant mais cela suffit à le dégouter au possible. Vite, il chasse rapidement cette horreur de ses pensées et continue son chemin.

Les couloirs sont d’ailleurs vides en cette heure inhabituelle. Et d’un coté, encore heureux ! Car Kamui est d’une humeur tellement massacrante pour le moment qu’il aurait du mal à raccrocher ce masque souriant, charmeur et aimable qu’il se traine d’habitude s’il devait rencontrer par hasard et à son grand dam un de ces élèves se pâmant hypocritement devant lui juste pour s’assurer ses faveurs. Forcement, il ne détestait pas d’être constamment entouré malgré son besoin certain et étonnant de solitude de temps en temps. Mais ce qu’il haïssait plus que tout, ce sont les personnes mesquines et avides ne restant à ses cotés que dans l’unique but d’en retirer un quelconque profit ou avantages. Malheureusement, ce genre de personne n’est que trop fréquente… Quand il y pense, ça le met hors de lui. Et comme si ça ne suffisait pas, ce crétin, ce boulet de Reine de Pique (Non pas qu’il doutait des capacités dudit boulet, mais celui-ci était devenus si familier avec Kamui ses derniers temps qu’il se permettait de rentrer dans sa chambre sans frapper et à n’importe quelle heure du jour et de la nuit. C’était à la fois agréable et usant…) Bref, ce « boulet » disions-nous, avait débarqué comme une vraie furie dans sa chambre en baragouinant quelque chose à propos d’une sombre histoire de formulaires et de dossiers de demandes de budgets pour les clubs du campus qui devait être impérativement finit aujourd’hui. En désespoir de cause et pour calmer les ardeurs de l’amour du travail bien fait du dragon maniaque du boulot qui lui servait de secrétaire, il avait quitté avec une peine manifeste la pièce qui lui servait de refuge, de havre de paix bienvenue. Tout cela avait eu pour conséquence deux longues et interminables heures de durs labeurs acharnés. Occupé à lire, trier, signer, tamponner, un nombre de demandes incroyables, il avait quand même finit par en venir à bout, non sans mal, et non sans en ressentir une certaine fierté non-dissimulée. Au moins, maintenant, le jeune homme aux cheveux bleus n’avait plus rien à redire et lui ficherait la paix pendant un petit moment. Résultat, il était à la fois quelques peu irrité et heureux d’être débarrassé de tout ça. Heureusement, le vide et le silence de cet institut avait plutôt tendance à faire pencher le poids du bon coté de la balance.

~*~

C’est donc avec légèreté, et avec une légère fatigue, que le Roi de cœur arpentait les couloirs. Il arriva au niveau d’une fenêtre que qu’un sinistre inconnu avait négligemment laissé ouverte. Le vent factice s’y engouffrait sans scrupule. Une chance que la brise était tiède. Le jeune homme ralentit le pas pour finalement s’arrêter définitivement, un petit sourire aux lèvres. Accoudé au rebord de l’ouverture, le menton posé dans le creux e sa main, il observait sereinement la cour principale. Il grava chaque petit détail, même les plus infimes. Il s’enfuirait d’ici un jour, c’était certain. Mais même s’il préférait largement l’extérieur, il avait largement eu le temps de s’habituer à la Pink Cage, allant même jusqu’à ressentir une sympathie toute particulière. Après tout, c’était « chez lui ». C’était là qu’il avait passé une partie de son enfance, ainsi que toute son adolescence. Forcement, cela laissait des marques. Il se demandait ce qu’il allait faire une fois sorti. Il n’y avait jamais vraiment réfléchis. Déjà, partirait-il seul, emmenant seulement ceux qu’il appréciait, ou ferait-il en sorte de faire partir tout le monde ? La première solution s’imposait à son esprit, déjà par pur reflexe partial, mais aussi et surtout car ça ne serait pas franchement discret… Imaginez un peu plus de cinq cents jeunes déboulant comme ça de nulle part ! Les scientifiques de l’Institut aurait tôt fait de les rattraper. C’était peut-être triste à dire, voir même cruel, mais Kamui avait l’intention d’amener pas plus de six ou sept personnes. De toute façon, beaucoup d’élèves du Campus étaient arrivés ici extrêmement jeune, et ne possédaient donc pas l’envie de s’enfuir. Il n’avait connu que ce Ciel artificiel qui était à présent devenu leur seule vérité.

Alors qu’il était plongé dans tout un tas de considérations de ce genre, il en fut soudain brusquement tiré lorsqu’une exclamation arriva jusqu’à ses tympans. Le Roi se redressa, curieux, cherchant la source du bruit. Dehors, il pouvait voir un jeune homme, pendu à un des arbres artificiels, et qui semblait plutôt en difficulté. Le garçon aux cheveux violets eut un rire amusé, se délectant pendant cinq bonnes minutes à l’observer de loin, se débattant sans relâche. Apparemment, il essayait de récupérer quelque chose. Kamui était assez loin, mais arrivait tout de même à apercevoir les traits du visage de « l’acrobate » improvisé. Visage qui lui évoquait vaguement quelque chose. Sans doute l’avait-il croisé dans un couloir, ou au hasard d’un événement quelconque. En tant que président des Meisei, et donc du Conseil des Élèves du campus, il se devait de connaitre à peu prés tout les résidents. Par contre, impossible de mettre un nom précis.

Au bout d’un moment, remarquant la détresse manifeste de l’inconnu, il sortit, se dirigeant d’un pas calme vers l’arbre. A présent, le garçon était en train de chercher avec l’énergie du désespoir quelque chose à terre. Kamui allait l’aborder gentiment et s’enquir de la situation mais il n’en eu même pas le temps. Le vis-à-vis, qu’il identifié maintenant comme un Pique à la vue du tatouage sur sa main, se leva brusquement, et ce fut la collision. Par réflexe, l’ainé saisit l’inconnu par le poignet, espérant ainsi lui éviter une chute, qui n’eut d’ailleurs heureusement pas lieu. Le Roi, qui avait laissé entrevoir une expression de surprise, retrouva rapidement son masque affable, dévoilant un grand sourire


- Attention. Tout va bien ?


Sa voix se voulait somme toute assez joyeuse. Le garçon en face de lui semblait ne pas vraiment avoir prit conscience de la situation.